Évoluer pour survivre : de l’édition classique à l’auto-édition…

…il n’y a qu’un pas, que j’ai décidé de franchir.

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« Plume pas mon auteur ! »

Dans le milieu littéraire, qu’il soit de jeunesse ou non, le débat public autour de la précarité du métier d’artiste-auteur bat son plein. Les campagnes de sensibilisation sur le sujet ne datent pas d’hier (ni de l’année dernière), mais avec le scandale de la hausse de la CSG non compensée pour les auteurs qui n’ont pas le droit au chômage de par leur statut, nous commençons tous et toutes à nous faire entendre. Certains lecteurs découvrent grâce à la Charte et à ses clips une triste réalité ; d’autres savent depuis longtemps et nous soutiennent. Certains vont même jusqu’à accompagner les auteurs dans la manifestation prévue à ce sujet ce week-end au salon de Montreuil.

Je salue évidemment ces initiatives, et j’essaie d’y participer à ma manière en relayant les clips, les discours, les messages divers et variés ; bref, en faisant du bruit.

Cependant, je suis quelqu’un qui préfère les actes aux paroles, et je ne peux décemment pas faire grève (qui ça gênerait sur le moment, sincèrement ?), ni d’écriture ni de la faim (ça serait contreproductif (pour moi et pour le débat)). Par contre, même si à ma petite échelle je ne peux pas agir sur le circuit dans son entier, je peux modifier ma pratique quotidienne du métier d’auteur. Aller à contrecourant de ce qui est le circuit traditionnellement vanté et exploré : passer de l’édition classique à l’auto-édition (et non l’inverse).

Non, je ne cesse pas l’édition classique et je ne reprends pas mes droits déjà cédés aux éditeurs.
Non, je n’arrêterai pas de publier en maison d’édition classique (tant que les maisons d’édition en question voudront bien de moi, s’entend, évidemment).
Non, ce n’est pas un choix fait par dépit ou par colère.
Oui, c’est mûrement réfléchi. Cela fait même huit mois que j’effectue de petites expérimentations sous pseudonyme, dans différents genres.
Oui, là encore, j’écrirai des romans spécifiquement destinés à l’édition classique, et d’autres prévus pour l’auto-édition.
Non, cette fois-ci, ce ne sera pas sous pseudo.
Non, ce ne sera pas non plus de la SFFF, mais du thriller.

Pour que vous compreniez les raisons de ce choix, je vais être transparente sur ma situation financière : je gagne suffisamment d’argent chaque année avec mes droits d’auteurs pour en survivre (pas en vivre décemment, ce qui explique que j’enseigne et traduise à côté). J’aimerais que cela change, mais ce n’est pas en écrivant plus que ça changera.
Le système fait que l’on est rémunéré une à deux fois par an et que, même en gagnant plus d’un SMIC annuel en droits d’auteurs, on ne peut pas en vivre (à moins d’être un fan hardcore de Pékin Express, surtout quand la voiture vous lâche et que vous devez changer le joint de culasse – true story… (almost)).
Or, j’en ai marre d’attendre que le système évolue à ma place ; il changera, mais d’ici là, moi, j’en serai où ?

Plutôt que d’attendre que le système change, j’ai décidé, moi, d’évoluer.
Pour survivre (oui, carrément). En tant qu’auteure, mais aussi en tant qu’être vivant qui a besoin de boire, manger, socialiser, payer ses factures.

En auto-édition numérique, l’auteur touche ses redevances (et non droits d’auteur, ce n’est pas le même régime fiscal) de manière directe (pourcentage augmentée) et régulière (à chaque vente, ou mensuellement selon les circuits de diffusion choisis). Je ne m’attends pas à toucher une fortune, mais juste à toucher régulièrement un argent qui me revient de droit.
Je préfère encore toucher 10€ par mois pendant 12 mois que 120€ une fois l’an (et encore, à condition que l’on me donne les chiffres et que je sache d’avance ce que je vais toucher et à quelle date au cours de l’année suivant l’année écoulée : cela varie en effet selon les éditeurs…).

Alors oui, mon activité d’auteure fonctionne assez bien pour que mes revenus soient intéressants. Mais non, je ne peux pas en vivre, car c’est trop irrégulier et incertain.
J’ai donc décidé de supprimer – pour de futurs titres – l’irrégularité et l’incertitude.
Je n’en serai peut-être pas plus riche, mais au moins, j’aurais le contrôle sur la situation de ces romans-là.

J’ai par ailleurs longuement hésité à ouvrir un Tipeee, mais je m’y refuse pour une raison très personnelle et subjective : j’estime ne pas avoir le droit de demander aux lecteurs de payer davantage que les romans qu’ils achètent et qu’ils lisent. Je ne critique pas les auteurs qui ont fait ce choix – je ne les condamne pas non plus. Je ne condamne d’ailleurs ni les éditeurs, ni les libraires…

Je condamne le système : c’est lui et lui seul qui devrait trinquer.

Et en choisissant un autre système à mon humble niveau, je fais en sorte que les choses changent.
Pour moi, au moins.
Peut-être.
On verra bien. En tout cas, ce changement/cette hybridation assumée ne peut clairement pas empirer ma situation… alors pourquoi pas, hein ? 🙂

A partir de l’année prochaine, donc, je ferai en sorte de publier un roman par an en auto-édition. Les détails techniques et autres viendront en temps et en heure. Je vous montrerai la couverture du premier de mes romans 100% auto-édité très bientôt (et oui, c’est un thriller ! Quitte à changer de peau, autant muer en profondeur et explorer de nouveaux horizons créatifs…) Pour le moment, je me contente de tout préparer en coulisses.

Et, pour conclure, je me permets de citer un grand philosophe de notre temps, qui inspire même dans les plus inattendus des domaines (comme l’écriture) :

I’m starting with the man in the mirror
I’m asking him to change his ways
And no message could have been any clearer
If you wanna make the world a better place
(If you wanna make the world a better place)
Take a look at yourself, and then make a change

(Michaël Jackson – Man in The Mirror)

 

 

13 commentaires sur « Évoluer pour survivre : de l’édition classique à l’auto-édition… »

  1. Je me souviens que tu avais déjà dit vouloir passer à l’autoédition pour un roman par an, et bien entendu, je te suivrai dans ces péripéties aussi. En tout cas, bon courage pour l’aboutissement de ton thriller et longue vie à lui !

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  2. J’approuve ton choix et ton envie d’agir plutôt que juste parler.
    Je suis du genre « acta non verba », les discours qui ne sont pas suivis d’actes me lassent.
    D’ailleurs, je n’écoute pas de discours, comme ça c’est fait. O;-)

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  3. C’est un choix courageux, et je suivrai ton parcours avec attention, surtout avec la certitude que les sous que je mettrai dans tes romans te reviendront de façon plus juste.
    En même temps, cette décision me rend triste à l’idée que des auteurs qui ont bien percé comme toi doivent en arriver à ce choix pour survivre. Ce système est vraiment mal fichu 😦

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  4. Beaucoup ont tenté cette expérience mais une fois engagés et proposé leurs manuscrits, ils se sont rendus compte qu’ils ne maîtrisaient plus rien et ne savent même pas ce que deviennent leurs manuscrits et qui les exploite.

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    1. Bonjour ! 🙂
      L’expérience de l’édition classique, vous voulez dire ?
      C’est en effet assez obscur, quand on essaie de retracer le parcours des droits d’auteur de tous nos manuscrits, qui détient quoi, etc. Personnellement, je tiens un tableau à jour, mais même avec cet outil, je m’y perds parfois !

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